Bonjour Anne. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis ergothérapeute, diplômée de la HE Vinci en 1999, et j’ai fait une licence en gestion des institutions de soin. Je donne cours dans le département Ergothérapie depuis 2001 et je suis également la coordinatrice internationale du département depuis le début de ma carrière à la Haute Ecole. En parallèle, j’ai d’abord travaillé en maison de repos et de soins, et puis au centre hospitalier neurologique William Lennox. Aujourd’hui, je travaille à la Haute Ecole à temps plein.
En 2020, j’ai eu l’opportunité de rejoindre Be.Hive et de commencer la recherche.
Qu’est-ce que Be.Hive ?
Be.Hive est une chaire interdisciplinaire pour la première ligne de soins. La « première ligne » regroupe les soins de proximité, généralistes, vers lesquels on se tourne en première intention. Il s’agit des médecins généralistes, des pharmaciens, des kinés, des infirmiers à domicile, des aides familiales, etc.
L’objectif général de ce projet est d’aider à la mise en place d’une première ligne de soins forte en Belgique, afin d’améliorer la qualité des soins et de vie des patients.
Le projet réunit 3 universités (UCLouvain, ULiège, ULB) et 3 hautes écoles (Henallux, HELB Prigogine et la Haute Ecole Léonard de Vinci). A Vinci, nous sommes deux enseignantes à faire partie de Be.Hive : Kathy Delabye, enseignante dans le département Infirmier responsable de soins généraux, et moi-même.
Le projet a été financé par le fonds Daniël De Coninck qui est géré par la Fondation Roi Baudouin, durant 5 ans, de 2019 à 2023.
En quoi ce projet est-il novateur ? Quelle en est la plus-value ?
Au niveau des soins de santé, la Belgique francophone est en train de mieux structurer la première ligne de soins, tant au niveau bruxellois qu’au niveau wallon. Be.Hive permet d’apporter une aide dans cette réflexion et œuvre à l’intégration de certaines professions au sein de la première ligne de soins. A l’heure actuelle, des métiers tels qu’ergothérapeute ou diététicien·ne ne font pas encore partie de cette première ligne parce que ces prestations ne sont pas remboursées par l’INAMI. Or, c’est le cas ailleurs dans le monde et cela a prouvé son efficacité.
Outre les débouchés supplémentaires offert aux étudiants en fin de parcours, cela permettra d'aider au soutien à domicile des personnes qui souhaitent vivre chez elles plutôt qu'en institution.
Un autre objectif poursuivi au sein de cette chaire est d’amener au doctorat des professions qui n’y ont pas un accès facile, comme les ergothérapeutes par exemple : il n’y a pas de master en ergothérapie du côté francophone du pays, il est donc assez compliqué de poursuivre ses études pour faire un doctorat par la suite.
Enfin, une des plus-values de ce projet réside dans l’association de 3 hautes écoles et 3 universités. Différentes institutions, issues de régions et de réseaux différents, travaillent ensemble et se renforcent l’une l’autre. Cela permet une synergie autour de ce projet de recherche.
C’est intéressant de ne pas travailler en concurrence, mais plutôt ensemble vers un but commun et avec une diversité de professions et d’acteurs. L’idée était vraiment d’être interdisciplinaire dès le départ.
Le projet Be.Hive s’est terminé fin 2023. Une prochaine étape ?
Pour terminer le projet, nous avons organisé un colloque tourné exclusivement sur la première ligne, au cours duquel les recherches en cours ou finalisées ont pu être présentées.
Nous sommes aussi en train de rédiger un rapport qui sera remis à la Fondation Roi Baudouin sur toutes les avancées, les différents volets de nos recherches et nos différentes recommandations. On espère que cela fasse bouger les lignes.
Un deuxième projet est en réflexion pour le moment, avec les mêmes acteurs, mais rien n’est encore formalisé pour le moment.
Que t’a amené ce projet, au niveau personnel ?
Cela a changé beaucoup de choses : d’une part, je connais mieux les acteurs de la première ligne, tant en Wallonie qu’à Bruxelles. J’ai aussi pu travailler en étroite collaboration avec la LUSS (Ligue des Usagers de Services de Santé) et l’asbl Aidants proches. Ces nouvelles connaissances me permettent de mieux guider mes étudiants, pour des projets de TFE par exemple.
D’autre part, ça a vraiment développé mes compétences en recherche. Cela m’a permis d’appliquer mes connaissances théoriques. Je suis maintenant doctorante et je prépare une thèse sur le soutien au domicile de la personne âgée pré-fragile. J’y détaille ce qu’on peut mettre en œuvre pour dépister les prémices de l’installation de la fragilité pour pouvoir la prévenir et y remédier le plus vite possible.
Ma participation à Be.Hive a aussi un peu démystifié la recherche auprès de mes collègues. Beaucoup (et j’en faisais partie) se disaient que le doctorat n’était pas fait pour eux et que la recherche en ergothérapie se faisait surtout dans les pays anglo-saxons, mais au final, on voit bien que cela peut se faire chez nous aussi.