Des espaces d’apprentissage plus accessibles. L’exemple des bibliothèques

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V Mag Espaces dapprentissages 08

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Depuis plusieurs années, la Haute École adapte ses écosystèmes d’apprentissage à la diversité des parcours étudiants. L’atteinte de cet objectif profite à tous : étudiants, professionnels du métier, institution. Focus sur une collaboration vertueuse entre les Bibliothèques et le Service Accompagnement des étudiants.

Bonjour Julia et Dominique. Merci d’avoir accepté cette invitation ! Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Julia Pietri : Je m’appelle Julia Pietri. Depuis janvier 2024, je suis responsable du Service des Bibliothèques. L’une de mes missions est de faire évoluer les bibliothèques vers des espaces hybrides et flexibles, davantage collaboratifs, modulables aussi en fonction des besoins des utilisateurs. Là où autrefois la bibliothèque était un espace rigide et circonscrit dans son usage - pour faire court : étude silencieuse, prêt de ressources -, elle devient désormais un espace offrant des services « sur mesure » à ses utilisateurs. Dans cette nouvelle conception, l’hybridation et la flexibilité sont la norme. L’étudiant devient véritablement acteur de la bibliothèque : c’est lui qui définit comment il y travaille (en groupe, seul, avec ou sans composante numérique), quelles ressources il sollicite (ses pairs, du numérique, des livres, du matériel professionnel). Ce changement de paradigme va de pair avec la mise en œuvre de pédagogies actives, centrées sur l’étudiant et sa réussite.

En d’autres termes, nous soutenons l’évolution actuelle du modèle pédagogique par une réflexion sur l’usage des espaces et l’implémentation du numérique. Ce qui est intéressant dans cette approche, c’est qu’en partant des espaces plutôt que d’un public cible – les étudiants ABS – nous devenons plus inclusif, « en prenant en compte les étudiants de manière globale. »

Dominique Holvoet : Pour ma part, je suis dans l’institution depuis plus longtemps (rires). Ergothérapeute de formation, je coordonne aujourd’hui la mission « Accompagnement des Besoins Spécifiques », plus connus sous son acronyme ABS, au sein du Service Accompagnement des étudiants. Par décret, chaque institution d’enseignement supérieur est en effet tenue d’offrir des aménagements raisonnables aux étudiants qui en font la demande pour leur offrir des conditions ajustées à leurs besoins. Avec les collègues du Service Accompagnement des étudiants, nous avons voulu aller plus loin que cette seule obligation décrétale en inscrivant nos offres d’accompagnement dans une approche réellement inclusive. Si l’on prend vraiment en compte la diversité de nos publics, nous ne pouvons plus nous contenter d’offrir des aménagements spécifiques à ceux qui rentrent dans les balises décrétales. Cette vision est trop restrictive. Nous devons également contribuer à modifier les écosystèmes d’apprentissage pour qu’ils s’ajustent davantage à cette diversité. C’est l’objectif que nous poursuivons dans cette belle collaboration avec les bibliothèques.

Julia Pietri, responsable du service des Bibliothèques & Dominique Holvoet, coordinatrice de la mission "Accompagnement des Besoins Spécifiques"

Concrètement, pouvez-vous expliquer comment vous procédez ?

Dominique Holvoet : Il y a quelques années, nous avons acquis des licences Antidote, un logiciel de correction de texte, pour les étudiants ABS dyslexiques. Plutôt que nous limiter à ces seules licences, nous en avons acquis davantage pour les mettre en prêt dans les bibliothèques. Nous souhaitions permettre à tous les étudiants de revoir leur rapport de stage, leur mémoire ou tout écrit à l’aide de cet outil professionnel. D’un aménagement spécifique, nous sommes passés à une mesure inclusive, inscrite dans un des environnements d’apprentissage des étudiants, la bibliothèque. Par la suite, nous avons étendu cette démarche inclusive aux casques anti-bruit : jusque-là, ceux-ci étaient recommandés uniquement pour les étudiants ABS en situation d’évaluation.

Julia Pietri : Aujourd’hui, 80 casques sont répartis dans les trois bibliothèques de la Haute École. Ils permettent à chaque étudiant.e qui le souhaite de s’extraire d’environnements parfois bruyants et de s’isoler pour étudier ou travailler. Ces casques restent disponibles pendant les examens pour les étudiant.e.s ABS, mais ils sont aussi accessibles durant toute l’année à tout.e étudiant.e qui en fait la demande. Ce matériel est en prêt pour une période de cinq jours ouvrables. Les étudiant.e.s peuvent donc aussi profiter de ces casques chez eux ou dans d’autres espaces de travail. En ouvrant le prêt à du matériel plus large que les ressources livresques ou numériques, les bibliothèques initient un nouveau service, plus ajusté aux besoins des utilisateurs et aux nouvelles fonctions qu’elles doivent jouer dans la société d’aujourd’hui.

Une approche inclusive dans laquelle la diversité devient une norme porteuse d’avantages pour tous.

Dominique Holvoet : L’approche inclusive que nous avons initiée avec les bibliothèques ne s’arrête pas aux licences Antidote et aux casques anti-bruit. À court terme, des isoloirs portables et des coussins d’équilibre seront également proposés aux étudiants. Les isoloirs portables sont des mini-structures à poser sur les tables, qui permettent à l’étudiant de s’isoler auditivement et visuellement, tandis que les coussins d’équilibre permettent aux personnes qui ont besoin de bouger de se recentrer. Une assiette d’équilibre peut aider un étudiant ayant un trouble de l'attention à mieux se concentrer, mais elle peut aussi soulager un étudiant qui a mal au dos. Les bénéfices de son utilisation sont aussi bien physiques que cognitifs, l’idée est de prendre en compte l’étudiant dans sa globalité. Je profite d’avoir la parole pour insister sur un point : en adoptant une démarche inclusive interservices, nous créons un cadre dans lequel des aménagements à priori spécifiques profitent à tous. L'étudiant qui vient en bibliothèque et qui a un besoin spécifique sera utilisateur de ce matériel au même titre que quelqu'un qui n'a pas de besoins spécifiques, mais qui trouve un avantage à recourir également à ce matériel. Cela permet à l’étudiant de ne pas être stigmatisé en tant qu’utilisateur de ces outils. La diversité devient une norme porteuse d’avantages pour tous.

Des bénéfices pour la conception et l’évolution des bibliothèques

Julia Pietri : Les bénéfices d’une telle approche ont aussi des effets positifs sur la conception et l’évolution des bibliothèques. Cette perspective nous permet une transition douce vers la réalité proche du Learning Center, en ajoutant une étape : les Services Learning, des soutiens aux apprentissages orientés numériques. Pensés comme un service transversal regroupant tous les services numériques en bibliothèque, ces Services Learning ont été renommés les SmartBib. Ils prennent place au sein des bibliothèques et s’articulent autour de technologies innovantes. C’est là que le matériel inclusif remplit tout son rôle en répondant aux besoins causés par cette hybridation de l’espace. En plus de viser une plus grande inclusivité, cette collaboration interservices soutient aussi la nouvelle vision du service des Bibliothèques, une vision davantage axée sur les services à offrir à l’utilisateur. Concrètement, les espaces sont repensés et les périmètres d’usage redéfinis. Des zones de travail sont délimitées en fonction des apprentissages à y réaliser (en groupe, seul), des outils et du matériel les instrumentant. C’est très enthousiasmant !

Pour rappel, la Bibliothèque d’Ixelles inaugurera ses nouveaux espaces le 18 décembre prochain, de 12h à 14h . Bienvenue à tous !