Destination aventure : se reconnecter à soi, aux autres et à la nature
Voir tous les articles FormationsBonjour à tous deux. Et merci d’avoir accepté de présenter ce voyage hors des sentiers battus aux lecteurs du VMag. Quel est l’objectif d’un tel périple ?
C.R. : Nous avons parcouru environ 75 kilomètres en canoë sur la Semois entre Chiny et Bouillon, en passant par Chassepierre en Gaume. Nuit en tente ou en bivouac, orientation, repas composés d’éléments trouvés dans la nature, randonnées, etc. Ce fut un séjour inoubliable au cœur de la nature, en connexion avec le vivant. Chaque soir, nous organisions un bilan de la journée entre enseignants afin d’échanger et de voir comment implanter cette expérience dans nos différents domaines de formation. L’idée est d’acquérir de nouveaux outils à mobiliser auprès de nos étudiants, mais aussi des publics ciblés par nos étudiants dans leur future vie professionnelle.
Des initiatives existent déjà au sein de Vinci, et plus largement dans l’enseignement supérieur mais nous aimerions amener davantage la nature dans nos cours. Dans notre département, nous organisons par exemple depuis quatre ans une option Nature, coordonnée par Pascale Dara, qui rencontre une belle adhésion des étudiants. Les étudiants qui suivent la formation Assistant en Psychologie se rendent en forêt pour quelques cours, des supervisions se font dans des parcs et des initiations à la zoothérapie existent. Citons aussi ce qui se réalise dans le cadre de l’Outdoor Education dans nos formations pédagogiques.
Simon, peux-tu nous présenter l’IPNA en quelques mots ? Quelle est l’origine d’une telle approche ?
S.D. : L’IPNA, c’est une modalité d’intervention complémentaire qui nous vient du Québec. Sébastien Rojo et Geneviève Bergeron en sont les concepteurs, même si eux-mêmes s’inspirent d’autres approches nord-américaines (Adventure Therapy par exemple). Ils l’ont modélisée différemment en permettant notamment un continuum allant de l’éducation à la thérapie. Par la nature et l’aventure, ils travaillent la notion du risque et la dynamique de groupe. A titre d’exemple, ils ont emmené de jeunes dysphasiques grimper au Népal. Au-delà des sommets, un très beau documentaire, relate cette aventure.
Sur notre campus d’Ixelles (#Marie Haps), nous avons organisé trois colloques autour de l’IPNA. A la suite des premiers échanges, j’ai été mandaté il y a sept ans pour entamer un lien avec les enseignants québécois afin de voir comment l’intégrer dans notre département. Wallonie-Bruxelles International soutient ce projet via une bourse qui a déjà été reconduite à trois reprises.
Et où en est-on aujourd’hui à Vinci et en Fédération Wallonie-Bruxelles ?
S.D. : Nous avons envie d’implémenter l’IPNA plus largement encore en Fédération Wallonie-Bruxelles et au sein de la Haute Ecole. Dès à présent, le Centre de Formation continue de Vinci propose une formation IPNA de trois jours à l’attention des publics externes. Plus précisément, nous ciblons les intervenants psycho-sociaux.
Le séjour que nous avons eu la chance de vivre en mai est soutenu par le secteur des Sciences humaines et sociales. Le projet est conçu sur une durée de trois ans et nous travaillons depuis plus d’un an avec un groupe d’enseignants du secteur pour faire émerger de nouvelles pratiques. C’est une approche expérientielle : on va dehors, on est confronté au réel. Ici, pendant quatre jours, nous avons passé un temps long ensemble, en contexte de nature. Nous étions pour cela guidé par deux facilitateurs IPNA, Sébastien Rojo de ex-situ expérience et Samuel Puissant de d'une cime à l'autre notre partenaire en Belgique . Cela soude l’équipe.
L’idée est d’insuffler plus largement la reconnexion à la nature dans nos pédagogies. Nous avons encore une année avant la clôture officielle du projet pour concrétiser la forme de notre collaboration. C’est un processus d’intelligence collective où nous travaillons en co-construction. Cela pourrait déboucher sur la création d’une Unité d’Enseignement transversale ou faire émerger des touches IPNA dans les départements. Nous verrons comment tout cela prend place dans nos programmes en étroite concertation avec la direction du Secteur.
Et demain, comment voyez-vous tous deux l’évolution de telles pratiques face aux enjeux sociétaux actuels ?
C.R. : Pour la génération de demain, développer ce type de pédagogie constitue l’urgence pour moi. Nous voyons un afflux d’étudiants, concernés par ces questions, voulant faire évoluer les choses. Certains sont en quête de sens.
Plus largement, mettre en lumière l’IPNA permet aussi de motiver d’autres enseignants à se mobiliser. Ce travail interdisciplinaire permet que nous croisions nos différents regards de professionnels au sein de notre institution. Nous créons des liens entre nos départements, ce qui nous enrichit humainement parlant. Pour l’enseignant, il est intéressant de sortir de la zone de confort que représente l’auditoire. Prendre des risques, se confronter à la peur, voir la façon dont on vit les choses permet de créer un lien différent entre l’enseignant et l’étudiant. Cela apporte une dimension nouvelle qui peut être recontextualisée en auditoire dans un second temps.
S.D. : Aujourd’hui, certains jeunes sont trop déconnectés et ressentent un déficit de nature. Cela correspond comme le souligne Christophe à une vraie demande de la jeunesse, et au-delà, de la société dans son ensemble. Dans notre département, nous constatons, par exemple, une augmentation des TFE qui traitent de ces thèmes. Un nombre plus élevé d’étudiants choisissent leurs stages dans des structures en lien avec ces questions. Ils montrent également un intérêt pour des pratiques comme la zoothérapie ou l’hippothérapie.
Pour conclure, le rêve serait de lancer et d’imaginer une Haute Ecole du Dehors qui insuffle une reconnexion à la nature, qui fait le lien avec le vivant, qui réapprendrait largement le vivre-ensemble.