HÉLangue, le projet de recherche qui étudie les compétences orales en haute école
Voir tous les articles RechercheFruit d’une impulsion et d'une collaboration au sein du Pôle académique de Bruxelles, le projet de recherche HÉLangue réunit 5 hautes écoles : La HE Vinci, la HE2B, la Haute Ecole Francisco Ferrer, la Haute Ecole Lucia de Brouckère et la Haute Ecole Galilée, récemment devenue Ephec Education. Ce consortium Interinstitutionnel a pour objectif de recenser, documenter, étayer les pratiques langagières orales des étudiants de l'enseignement supérieur pour proposer des pistes didactiques aux enseignant.es.
Retour sur la première année du projet avec Catherine Deschepper, coordinatrice du projet HÉLangue Oral et Bachar Malki, chercheur et enseignant à la HE Vinci.
L’oral, moins étudié que l’écrit
Avant de mettre le focus sur l’oral, un précédent projet intitulé HÉLangue Écrit s’était intéressé aux pratiques écrites des étudiants du supérieur dans une perspective similaire.
Pourquoi mettre à présent le focus sur leurs compétences orales ? Parce que celles-ci restent en fait peu étudiées dans le milieu des hautes écoles, comme nous l'explique Bachar Malki, psychologue social sur le projet : “La didactique de l'oral est une didactique assez récente qui a d'abord vu le jour dans l'enseignement obligatoire, primaire, secondaire, puis dans la formation des enseignants. Ce n'est que récemment, qu'un intérêt pour les compétences orales des étudiants du supérieur est apparu.”
Une des particularités de l’expression orale est qu'elle engage le corps, la voix. Elle touche à l'identité de la personne. Elle peut aussi être source de stress et d'émotion, car impossible de relire et d'effacer, contrairement à l'écrit. Or, la maîtrise de l'oral n'est pas aussi innée que l'on pourrait l'imaginer. Ainsi, dans le monde de l'enseignement, des compétences spécifiques sont également attendues à ce niveau de la part des étudiants, comme lors de leur arrivée dans le monde du travail. Ils ne sont pour la plupart que peu préparés, comme le rappelle Catherine Deschepper : "Tout le temps, on demande aux étudiants de mobiliser des compétences orales de haut niveau, mais celles-ci sont peu travaillées. Ils n'apprennent pas systématiquement à faire une présentation orale efficace, à gérer un débat, à reprendre la parole ou à la donner sans s’interrompre, à respecter le temps de parole, etc. »
Documenter et analyser les représentations des étudiants et des enseignants
Le projet se base sur 3 grands modules de travail. Le premier consiste à documenter les représentations des étudiants, des enseignants et des professionnels des métiers auxquels les étudiants se destinent. Pour y arriver, une large enquête quantitative a été lancée à laquelle plus de 800 répondants ont participé.
« On parle vraiment de la façon dont les étudiants, les enseignants, les professionnels pensent être compétents, pensent que les étudiants sont compétents et de leurs pratiques déclarées. Donc ce que les étudiants disent qu’ils font, ce que les enseignants pensent que les étudiants font. On parle donc bien de représentations et de pratiques « déclarées », pas forcément effectives » (Catherine Deschepper)
Le second module, concerne, lui, justement, l'analyse des pratiques effectives. Le choix a été porté sur 5 situations de prise de parole très fréquentes dans l'enseignement supérieur : l'examen oral, la présentation orale avec support (de type Power Point), le jury professionnalisant, l'’analyse réflexive spontanée sur sa propre pratique et le travail de groupe. Pour chacune de ces situations, des enregistrements vidéo et audio ont été récoltés comme nous le raconte Catherine Deschepper :
"On a enregistré puis transcrit tout ce qu'ils avaient dit et on a aussi analysé les images (gestes, distances, etc.) et le son (le débit, l’intonation, les pauses, etc.). Par la suite, on a observé ce qui se passait quand un étudiant devait gérer une situation de communication spécifique. L’analyse a permis de proposer des « études de cas ». L'enjeu étant de voir où se situent les tensions entre pratique réelle et attendue."
Le troisième volet proposera des pistes didactiques et des modules de formations à destination des enseignants afin de les sensibiliser à l'importance du développement des compétences orales de leurs étudiants.
Premiers résultats
Revenons sur le premier module de HÉLangue Oral, l'enquête quantitative et sur les premiers résultats qui ont pu en découler.
Les étudiants ont été questionnés sur les représentations qu'ils ont de leurs compétences à l’oral. Les enseignants ont également participé, en évoquant leurs propres représentations des compétences et pratiques de leurs étudiants.
Les premiers résultats sont évidemment à prendre avec beaucoup de prudence comme nous l'explique Bachar Malki :
"On observe une différence en termes de représentations et de perceptions entre les étudiants et les enseignants. Pour vous donner un exemple, on observe que les étudiants ont une perception de leurs compétences qui est assez élevée. Du côté des enseignants, ceux-ci ont une perception des compétences de leurs étudiants plutôt basse. “
Pour rappel, tout cela n'est que le début de l'interprétation des résultats. Ceux-ci donnent en tout cas déjà des idées de pistes pédagogiques à suivre à l'équipe :
"Même s’il est trop tôt pour rendre des conclusions sur ces premiers résultats, il est intéressant de les observer. En effet, la simple présentation de ces résultats contrastés permet déjà une sensibilisation et ouvre le débat. Cela pourrait en soi faire l’objet d’un premier module de formation."
HÉLangue Oral est un projet cofinancé par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre du FRHE, le Fonds pour la recherche en haute école et l’académique à Bruxelles.