La pratique circassienne : une belle contribution à la formation des futurs enseignants

Bonjour à toutes les deux. Comment est né ce projet de partenariat avec l’Ecole de cirque de Bruxelles ?

Ce partenariat a été initié il y a déjà plus de vingt ans par notre collègue Frédérique Krings, actuellement retraitée. L’activité s’inscrivait dans une unité d’enseignement destinée aux étudiants et aux étudiantes de première année en tant que futur instituteur ou institutrice préscolaire. Cette UE visait à « s’observer en train d’apprendre » et à faire percevoir par l’expérience vécue à son niveau, les mécanismes de l’apprentissage (et spécifiquement de l’apprentissage procédural), la dimension globale du développement et les conditions environnementales qui le favorisent.

Comment cette activité vient-elle s’intégrer dans le programme d’aujourd’hui et avec quels objectifs pédagogiques ?

Aujourd’hui, depuis la mise en place de la réforme de la formation initiale des enseignants, les dispositifs de formation de ce type tendent à se réduire. Comme nous sommes convaincues qu’ils laissent néanmoins une empreinte durable et qu’ils transforment les conceptions de nos étudiant.es, nous avons choisi de revisiter le projet, tout en le maintenant en début de cursus. Il est dorénavant plus bref et exclusivement orienté vers l’illustration des compétences et des stratégies méthodologiques à développer dans le cadre d’un enseignement en psychomotricité, en éducation corporelle, à la santé et au bien-être.

Au cirque, la richesse de l’environnement tant humain que matériel est indéniable. Cela illustre très bien les conditions recherchées à des fins d’éducation psychomotrice et physique. Les situations sont diversifiées et proposées dans un cadre attrayant, stimulant au niveau sensori-moteur et sécurisé (aérien, acrobatie, jonglerie, équilibre, funambulisme, circomotricité…).

Chaque élève doit pouvoir être rejoint dans ses spécificités. La posture de l’enseignant est donc aussi précieuse. Il est tout à la fois garant de la sécurité physique et affective, stimulateur, expert dans son domaine, accompagnateur, et clown s’il le faut...

Les mots d’ordre aux ateliers sont : liberté, créativité, engagement, plaisir, curiosité et sens de l’effort. Au terme de 90 minutes de pratique, les étudiants produisent une nouvelle séquence d’actions et observent déjà l’évolution de leurs habiletés motrices. Ils perçoivent aussi leur niveau d’engagement émotionnel, physique et attentionnel…

Les situations proposées au cirque sont accessibles et transférables dans la pratique des futurs enseignants car elles sont axées sur des comportements moteurs assez spontanés : marcher, lancer, rouler, grimper, tourner sur soi-même, mimer.

De façon intrinsèque, de nombreuses pratiques circassiennes induisent de devoir observer les dangers. Elles développent la capacité d’évaluer et de prendre des risques mesurés. Ce dernier aspect symbolise très bien la prise de risque qui conditionne le développement et tout apprentissage.

Ce temps d’expérimentation est finalement le vivier sur base duquel nous élaborons une importante partie des connaissances qui seront construites tout au long du parcours de formation. Et nos futures enseignantes et enseignants pourront exploiter les situations motrices comme cœur d’activité d’apprentissage avec leurs futurs élèves de section 1.

Q3 : Quelle place aujourd’hui pour le cirque dans l’enseignement fondamental ?

Outre le fait que nous visons à ce que cette expérience serve de référence première et ait une fonction “modelante” comme nous venons de l’évoquer, le cirque est une discipline artistique à part entière. Si elle peut contribuer à construire l’ensemble des compétences en éducation physique et en éducation à la santé, à la sécurité, au bien-être, elle contribue également à l’éducation culturelle et artistique (ECA).

Ce domaine constitue un des nouveaux piliers de l’actuel programme du tronc commun dans le cadre du pacte pour un enseignement d’excellence.

Les étudiantes et étudiants ont donc découvert ou redécouvert des repères culturels via la rencontre avec un lieu, des agrès, des activités et des enseignants circassiens de l’Ecole de cirque de Bruxelles. Ils et elles ont pu explorer ou réexplorer leur expressivité motrice, construire des gestes sensibles au-delà de gestes techniques, notamment lors des ateliers “mouvement” et “jeu d’acteur”. Ils ont pu créer, se questionner, réagir, communiquer par leur corps, montrer et être vus.

Ils savent que ce lieu pourrait un jour accueillir leurs futures classes.

L’exploitation de ce temps en lien avec leur parcours d’éducation culturelle et artistique mériterait certainement d’être approfondie dans les années à venir.