L'éducateur spécialisé est-il le meilleur ambassadeur de son métier ?
Voir tous les articles FormationsBonjour, Christophe. Les carnets des éducatrices et des éducateurs en sont déjà à leur septième édition. A qui sont-ils adressés ? Qui en sont les initiateurs ?
A une époque où l'écrit est parfois relégué au second plan, je trouve que ces carnets sont un formidable outil pédagogique et didactique qui accompagne nos étudiants pendant leurs années d'étude. Nous l'utilisons notamment comme un syllabus, pendant les cours. C'est un carnet de bord où l'étudiant va chercher des informations pour des questions liées à son TFE ou à sa pratique de stage. Le champ est très vaste, et d'une grande richesse.
Cela s'adresse également à tous ceux qui pratiquent le métier, aux éducateurs qui perçoivent comment évolue leur secteur au travers des témoignages de leurs pairs. Cela parle du vécu du travailleur dans son secteur. Personnellement, je me suis beaucoup investi dans l’écriture de certains chapitres des carnets, comme celui lié à la présentation du secteur de l’Aide à la jeunesse et du milieu carcéral. C’est une façon de m’engager davantage dans la reconnaissance du métier, mais aussi, de rester connecté au terrain et de montrer l’exemple aux étudiants. J’ai interrogé de nombreux professionnels.
Pour répondre à la dernière question, c'est l'asbl Rhizome avec qui nous collaborons activement qui édite ces carnets. Je salue Dominique Wautier qui en est l'initiatrice et la directrice. Je trouve qu’il s’agit d’une très belle initiative. Pour Vinci, c'est une première collaboration et ce partenariat ouvre une porte au niveau de la reconnaissance des éducateurs en activités socio-sportives. Nous en sommes ravis.
Et est-ce LA référence pour ceux qui veulent se lancer dans cette formation ? Cela leur permet-il de mieux cerner les enjeux du métier ?
Cela représente une référence importante car cet outil ne sort que tous les 4 ou 5 ans. Pour un étudiant qui veut se lancer, cela reste assez théorique, les carnets comportent plus de 400 pages ! Mais cela renseigne sur le métier par la présentation de cas concrets et là, cela devient intéressant car cela casse des clichés ou des représentations simplistes ou erronées du métier. En ce sens, les Carnets sont essentiels.
On parle dans le premier carnet 'le cœur du soleil', d'une profession de travail sur autrui ? C'est un peu cela, être éducateur ? Un métier de liens ?
C'est clair, on est dans l'humain. L'éducateur est un spécialiste de l'accompagnement. J'aime personnellement utiliser l'image du train pour représenter notre métier. L'éducateur s'occupe de ceux qui sont tombés du train. Il va essayer de raccrocher au wagon ceux qui sont fragilisés ou isolés, comme par exemple, des personnes âgées, ou des jeunes en difficulté. Aujourd'hui, il y a parfois plus de gens derrière le train que dans le train. Nous sommes dans une société très individualiste, on perd un peu le sens du lien.
Le second carnet, ce sont les arbres, c'est-à-dire, les secteurs où ce métier s'exerce principalement. Personnellement, mon imaginaire du métier ne visualisait pas un champ aussi vaste. Est-ce que tous ces débouchés sont suffisamment connus du grand public ?
Sans doute pas assez. Il y a les trois secteurs historiques : du milieu scolaire, de l'aide à la jeunesse et du handicap. Depuis 20 ans, le métier s'est terriblement professionnalisé. Aujourd'hui, il balaie plus de 22 secteurs, même si, in fine, on reste dans une formation plus généraliste. D'où aussi l'importance de la formation continue. L'éducateur doit continuer à se former à partir de son terrain d'expérimentation.
On porte les stigmates d'un manque de reconnaissance au niveau du métier. Il s'est longtemps exercé dans certains milieux sans le titre requis. On peine encore à sortir d'une image faussée du métier, telle que "l'éducateur est un pion", "l'éducateur surveille la salle d'études"... Nos éducateurs sont les meilleurs ambassadeurs de ce formidable métier.
Ce métier est une bulle d'oxygène dans une société complexe. Aujourd’hui, il y a aussi un vrai enjeu de reconnaissance du titre et de belles avancées à ce niveau. De nouvelles passerelles vont, par exemple, voir le jour pour les étudiants qui commenceront en septembre 2024. Un avis positif est rendu pour plusieurs masters* au sein desquels nos diplômés pourront continuer leur cursus.
Aujourd'hui, être éducateur ou éducatrice, cela fait-il encore rêver les jeunes d'aujourd'hui selon toi ?
Le métier est aussi magnifique que complexe, parfois mis à mal dans une société plus individualiste. A mes yeux, c'est une vocation. Beaucoup de jeunes ont encore des valeurs fortes aujourd'hui, au niveau de l'engagement. Pour exercer ce métier, il faut être tourné vers autrui et s'intéresser à l'autre. C'est un métier de contact qu'on fait pour être avant tout dans l'humain. Il faut aussi s'intéresser à la société d'aujourd'hui et vouloir la faire évoluer.
Quel message as-tu envie de faire passer aux jeunes qui rejoindront cette formation en septembre 2024 ?
Soyez passionné par ce que vous faites. Ce que je dis à mes enfants, c'est qu'il faut avant tout faire quelque chose qui nous rend heureux et qui nous plaît. Le métier d'éducateur est un métier fantastique pour ceux qui ont ce souci d'autrui.
Et enfin, qu'est-ce qui a motivé Christophe Rémion, lui-même, à devenir éducateur ? As-tu une belle histoire à raconter aux lecteurs du VMag ?
(rires). Je pense qu'on ne devient pas éducateur par hasard. Je dis souvent à mon auditoire de première, en début d'année académique, qu'il y a toujours une histoire personnelle qui les a amenés sur ces bancs, et qu'ils vont la redécouvrir par le travail qui sera fait ensemble tout au long de la formation. Pour moi, cela part d'une situation familiale assez complexe et d'un drame vécu en famille qui m'a amené à percevoir les choses différemment et à avoir envie de me rendre utile pour des personnes fragilisées.
Des rencontres m'ont amené là où je suis aujourd'hui, notamment avec Tim Guénard, auteur de « Plus fort que la haine » ou encore le Père Guy Gilbert, chez qui j'ai fait un stage en Haute Provence. Il y a ainsi quelques personnes qui ont marqué mon enfance ou mon adolescence. Et puis, bien sûr de nombreuses lectures m'ont plongé dans l'univers du social.
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* En ce mois de février 2024, l'ARES a rendu un avis positif pour créer de nouvelles passerelles qui seront accessibles pour les étudiants se lançant dans un bachelier d'éducateur spécialisé en septembre 2024.
- Master en criminologie
- Master en communication appliquée spécialisée - éducation aux médias
- Master en transitions et innovations sociales
- Master en orthopédagogie clinique
- Master en sciences de l'éducation
Les carnets sont vendus au prix de 15 €. Ils sont disponibles à la HE Vinci sur demande.