Bonjour Julie, tu participes actuellement à deux projets de recherche en lien avec l’ergothérapie.
Sur quels sujets travailles-tu ?
Bonjour, en effet, je travaille actuellement sur deux projets. Le premier, traite de l’implémentation d'une thérapie avec des enfants ayant subi des lésions cérébrales acquises et des adultes en phase aiguë ou subaiguë d’AVC. Ce projet est un partenariat entre le secteur Santé (les départements d'ergothérapie et de kinésithérapie) de la HE Vinci, l’UCLouvain et le Centre Hospitalier Neurologique William Lennox.
Le second, sur lequel nous travaillons avec la KU Leuven et l’INAMI, investigue l'efficacité d'une évaluation faite en ergothérapie dans la prise de décision du médecin-conseil concernant le processus de retour au travail des personnes en invalidité ou en arrêt maladie. Dans ce projet-là, l'évaluation d'ergothérapie est ajoutée dans le processus pour observer de manière quantitative si cela a un effet sur le retour au travail de la personne. De manière qualitative, nous cherchons à savoir si la prise de décision du médecin-conseil et des différents intervenants est modifiée avec l’utilisation d'une évaluation des capacités fonctionnelles (FCE).
Qu’est-ce que la FCE exactement ?
La FCE est une évaluation de plusieurs heures centrée sur la personne sur base d’entretiens, d’observations et de tests au cours de laquelle l'ergothérapeute va évaluer les capacités résiduelles de la personne en lien avec un retour au travail.
La FCE est demandée par le médecin-conseil lorsque le patient entre dans les critères d’inclusion de l’étude, c’est-à-dire lorsqu’il se trouve dans une phase stabilisée, qu'il n'est pas principalement atteint d’un trouble d’ordre mental ou psychiatrique et/ou lorsque le bénéficiaire ne repart pas spontanément au travail. Le médecin demande alors à l’ergothérapeute, via une FCE, une concordance entre les capacités, les limitations de la personne et les exigences d'un poste de travail. Ce poste de travail peut être le dernier métier exercé, son métier de référence. Le médecin peut également demander de mieux comprendre les compétences de la personne dans le but de proposer des suggestions de catégories professionnelles larges. C'est quelque chose qui ne se faisait pas auparavant et qui pourrait s’implémenter en Belgique si les résultats sont concluants.
Quel est ton rôle dans ce projet de recherche ?
Je suis une des chercheuses du projet, en collaboration avec un chercheur de la KU Leuven. Bien que le design de recherche ait été fait conjointement, mon collègue suit les bénéficiaires et praticiens du côté flamand et moi, du côté francophone.
Le rôle de chercheur dans ce projet débute avec le design de recherche, c'est-à-dire la construction de la question de recherche, des hypothèses, du choix de la méthodologie pour y répondre, la récolte des données, l’analyse et la rédaction. Nous avons pour cela créé un design de recherche à la fois quantitatif et qualitatif qui permet d’investiguer les effets de l’implémentation de l'évaluation FCE sur le retour au travail du bénéficiaire. Pour la partie quantitative, nous avons utilisé des questionnaires. Pour ce qui est du volet qualitatif, la prise de décision du médecin-conseil et des intervenants dans le retour au travail, nous avons procédé à des entretiens.
Nous sommes suivis par l'INAMI qui nous finance et nous aide dans l’avancée du projet. En plus de participer à un comité avec l’INAMI, nous sommes actifs dans plusieurs comités dont un qui regroupe des structures importantes : ASBL, structures médicales, mutuelles. Toutes ces structures nous accompagnent dans la réflexion autour du projet.
Est-ce que les recherches que tu poursuis viennent nourrir les cours que tu donnes à la Haute Ecole ?
Oui ! Il y a de nombreux exemples issus de l’étude que je peux utiliser dans mes cours de statistiques et de méthodologie de la recherche. De plus, en 2e année, je donne un cours sur l'éthique avec une collègue juriste dans lequel je peux également utiliser certains éléments. J'ai aussi participé à un cours sur le retour au travail où j'ai pu présenter le projet FCE et avoir un moment d'interaction avec les étudiants et l’enseignante à ce propos.
Ces projets permettent également de participer à des congrès ou à des rencontres, ce qui a l'avantage de m'ouvrir à d'autres projets d'ergothérapie dont je peux directement m’inspirer pour mes cours.
On entend peu parler de la recherche en haute école et en ergothérapie. En quoi a-t-elle son importance ?
La recherche menée en haute école a pour rôle de soutenir et de promouvoir la pratique professionnelle. Elle permet non seulement de renforcer les actions existantes, mais aussi de développer des activités innovantes.
La spécificité des hautes écoles réside dans la formation à des métiers qui ne sont pas toujours représentés à l'université. Ces formations sont étroitement liées à la pratique professionnelle et sont dès lors ancrées dans le terrain et contextualisées. La recherche en haute école s'appuie donc sur un réseau solide, favorisant des initiatives qui partent directement des besoins et des réalités du terrain pour remonter vers les chercheurs et susciter des questionnements.
L'ergothérapie, bien que souvent qualifiée de "mal connue", est encore sous-représentée en recherche, particulièrement en comparaison avec d'autres professions paramédicales comme la kinésithérapie. En effet, il existe moins de chercheurs ergothérapeutes, pour l’instant, dans les pays francophones. Pourtant, les sciences occupationnelles sont parfaitement adaptées pour répondre aux défis des soins primaires et secondaires en adoptant une vision holistique de la personne. Cette approche est de plus en plus encouragée, tant dans la recherche que dans l'action clinique de terrain.