Regards croisés sur les pratiques qui valorisent l’expérience des adultes en reprise d’études

Voir tous les articles Réussites étudiantes
Vinci vmag vae fwb quebec hero

Publié le par Marielle Crahay, Emmanuelle Dejaiffe

Entamer une nouvelle formation s’accompagne souvent de la possibilité de faire reconnaître l’expérience professionnelle acquise antérieurement. En Fédération Wallonie-Bruxelles, cela s’appelle la Valorisation des Acquis de l’Expérience (VAE) tandis qu’au Québec, on parle de la Reconnaissance des Acquis et des Compétences (RAC). Quels sont les atouts de chaque processus d’accompagnement ? Retour sur un projet d’échanges constructif et porteur de sens.

Bonjour Lara Herinne et Laurence Brion. Vous êtes toutes deux conseillères en Valorisation des Acquis de l’Expérience au sein du Service Accompagnement des étudiants (SAE) de la HE Vinci. Pouvez-vous, en deux mots, présenter le projet d’échanges avec vos homologues québécoises ?

Le 18 octobre 2024, un webinaire était organisé afin de partager nos pratiques et d’ouvrir le dialogue pour améliorer les pratiques professionnelles.

Du côté du Québec, nous avons eu la chance d’échanger sur notre métier avec Marie Cousineau, Catherine Dagenais et Magali Robitaille, du Centre d’Expertise en Reconnaissance des Acquis et des Compétences (CERAC) du Cégep Marie-Victorin. Nous avons pris le temps de les écouter, c’était très éclairant. Elles sont, avec nous, à l’initiative de ce partage de pratiques.

Les intervenants pour l'enseignement supérieur en FWB étaient les suivants : Jean-Philippe Pirard et Charline Cauwe (pour l’ARES), Cécile Marcucci et Mathilde Vankerkhoven (focus sur la démarche VAE à l’université (ULB), Valérie Fontaine (promotion sociale) et Arnaud Salmon (ESA Saint Luc). Chacun a présenté les spécificités de la démarche VAE dans son type d’établissement. Lara a présenté celles pour les HE, à partir des réalités à Vinci.

Plus largement, nous étions une vingtaine de personnes en ligne le jour « J ». Les expertes québécoises y ont associé leurs collègues et d’autres personnes de leur réseau. De notre côté, nous avons convié à la rencontre l’ARES et les membres du Forum VAE de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Laurence Brion et Lara Herinne
Laurence Brion et Lara Herinne

Bonjour le Québec, bonjour Marie Cousineau, Catherine Dagenais et Magali Robitaille. De votre côté, que retenez-vous des présentations assurées par les intervenants de la FWB ? Quels sont les points forts de la présentation de la VAE qui vous ont marquées ?

Marie, Catherine et Magali : Les intervenants de la FWB nous ont présenté un aperçu de leurs pratiques et de leurs modèles, favorisant de riches partages. Nous avons particulièrement apprécié cette opportunité de réfléchir et d’échanger avec des experts d’un autre système, notamment grâce à la présentation de l’ARES en matière de VAE, qui nous a permis de comprendre l’article 119 du Décret Paysage, élément au cœur de la VAE en FWB.

Le système en FWB semble offrir une grande flexibilité et une réelle attention portée à l’individualité des parcours professionnels des personnes candidates, ce qui est un point fort à nos yeux. De plus, l’intégration des différentes parties prenantes, des institutions d’enseignement supérieur aux institutions publiques, témoigne d’une volonté d’harmonisation et de développement, ce qui est essentiel pour garantir une VAE inclusive et de qualité. Ce partage d’expériences et de bonnes pratiques nous a offert une vision enrichissante et inspirante.

Magali Robitaille, Catherine Dagenais, Marie Cousineau

Lara et Laurence, quels sont les points forts de la présentation de la RAC au Québec que vous retenez ?

Lara et Laurence : Le dispositif de RAC au Québec, tel que Marie, Magali et Catherine nous l’ont présenté, nous a impressionnées par la qualité de sa construction et de son fonctionnement. Plus particulièrement, les intervenantes ont mis l’accent sur les politiques et les pratiques d’accompagnement au niveau collégial (le premier niveau de l’enseignement supérieur au Québec) ainsi que sur les conditions qui garantissent la pérennité du processus face à la croissance de la demande. Le niveau collégial, qui fait le pont entre l’éducation obligatoire et l’ES, est par exemple directement accessible aux adultes en reprise d’études. Au Québec, cela fait déjà 40 ans que tout est en place pour favoriser la reprise d’études par des adultes. Ainsi dès 2002, le Conseil supérieur de l’éducation a affirmé la volonté de démocratiser le mécanisme de la RAC et le gouvernement québécois a intégré celui-ci dans la politique d’éducation des adultes. En 2005, un cadre général et technique de la RAC, doté d’un financement dédié, est mis en place pour soutenir cette volonté politique. En 2013, les Centres d’Expertise en Reconnaissance des Acquis et des Compétences (CERAC) sont créés. Par ailleurs, au Québec, les programmes d'étude sont élaborés par compétences, ce qui a un impact direct sur les mécanismes de reconnaissance des acquis et des compétences. Dans ce cadre,

  1. « Une personne a le droit à la reconnaissance sociale de ses acquis et de ses compétences dès lors qu'elle fournit la preuve qu'elle les possède.
  2. Une personne n'a pas à réapprendre ce qu'elle sait déjà, ni à refaire, dans un contexte formel, des apprentissages qu'elle a déjà réalisés dans d'autres lieux, selon d'autres modalités.
  3. Une personne doit être exemptée d'avoir à faire reconnaître de nouveau des compétences ou des acquis qui ont été évalués avec rigueur et sanctionnés à l'intérieur d'un système officiel. »

Avec Lara, nous avons aussi été impressionnées par le nombre de personnes admises dans la démarche de RAC. En 2022/2023, 48 CEGEPS, des collèges d’enseignement général et professionnels, ont proposé cette démarche d’évaluation ; 5447 personnes candidates ont eu accès à une entrevue de validation. Les domaines les plus en demande concernaient les « techniques » humaines (comme par exemple, les personnes travaillant dans l’accueil du jeune enfant en garderie) et administratives.

Vu depuis la FWB, il semble qu’au Québec, l’offre de reconnaissance se déploie en tenant plus directement compte du public des adultes en reprise d’études susceptible de les suivre ?

Lara et Laurence : Au Québec, de nombreux parcours s’inscrivent dans une approche andragogique, comme l’attestent les modalités d’évaluation, les outils ou encore les accompagnements qui y sont déployés. Le point de départ de la RAC est toujours expérientiel ; les outils soutenant la démarche sont conçus pour repérer facilement l’information. Les modalités d’évaluation varient selon la nature de la compétence à évaluer (production personnelle assortie de preuves, une tâche en présence d’un spécialiste, un entretien d’évaluation…). Les adultes sont par ailleurs accompagnés tout au long de leur démarche, et leurs accompagnateurs, qu’ils soient conseillers pédagogiques ou spécialistes de contenu, sont sensibilisés aux principes de la RAC et à la philosophie de l’approche andragogique. Enfin, le parcours de RAC permet d’acquérir le même diplôme que celui qui serait délivré en suivant l’ensemble du cursus d’études.

Quelles seront les suites de cet échange ? Avez-vous toutes envie de poursuivre le dialogue plus avant ?

Marie, Catherine et Magali : Nous espérons grandement que cette rencontre constituera un préambule à de futurs échanges, collaborations ou partages d’objets de recherche.

Laurence et Lara : Ce moment d'échange a offert une occasion précieuse de créer de premiers liens et de partager des expériences en matière de reconnaissance et de valorisation des expériences acquises, entre des acteurs travaillant dans ce domaine, au Québec ou en FWB. Il constitue pour nous une contribution à notre formation continue et une opportunité de réflexion sur nos propres pratiques.

Pour aller plus loin, quelques liens pour consulter des ressources qui font référence au Québec