Quand le service des Relations internationales et le département Podologie se mettent au service d’un enjeu de santé publique au Sénégal !

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Publié le par Anne Mélery

Au Sénégal, la lutte contre les problèmes de pieds diabétiques et d’amputation est un défi majeur dans la prise en charge du diabète. Former du personnel soignant compétent dans le domaine de la prévention est une nécessité primordiale. Grâce à un programme de mobilité internationale soutenu par l’ARES, deux enseignants en Soins infirmiers de l’Ecole Nationale de Développement Sanitaire et Social de Dakar sont venus investiguer le métier de podologue et la formation en podologie en Belgique.

Le diabète est en augmentation constante en Afrique, où environ 24 millions de personnes vivent avec cette pathologie, selon la Fédération internationale du diabète.

Les problèmes de « pied diabétique », si courant dans cette affection, y sont encore insuffisamment connus et pris en charge, tant pour les patients que pour les soignants. Le Sénégal et la ville de Dakar n’échappent pas à cette situation. Une étude réalisée dans le plus grand centre de prise en charge des pieds diabétiques au Sénégal (Centre du diabète Marc Sankalé) révèle que les lésions du pied sont responsables de 28% des amputations avec une mortalité de 15%.

Cela fait maintenant plusieurs années que la Haute Ecole Léonard de Vinci, épaulée par son partenaire l’ Arteveldehogeschool Gent, œuvre, dans le cadre d’un projet international pour permettre aux enseignants en Soins infirmiers de l’Ecole Nationale de Développement Sanitaire et Social - ENDSS de Dakar d’acquérir de nouvelles compétences dans ce domaine, en mettant l’accent sur l’axe lié la prévention.

C’est ainsi que plusieurs enseignants du département Podologie de ces deux établissements d’Enseignement supérieur s’y sont rendus en juillet 2022, non seulement pour finaliser le module de formation spécifique dans le cursus des Soins infirmiers, qui avait débuté en 2019, mais également pour y apporter du matériel indispensable à l’enseignement (podographes, kits d’instruments de podologie). L’acquisition de ce matériel a été rendue possible grâce à une récolte de fond à Vinci. Grâce à la générosité de la Communauté Vinci, la vente de chaussettes avait en effet rapporté 1500 euros !

En octobre de cette année, ce même module de formation a été organisé pour la première fois, à l’intention des futurs professionnels infirmiers de l’ENDSS. Si ce démarrage constitue une avancée certaine, il est à craindre que ce dispositif s’avère encore insuffisant dans la lutte contre l’un des fléaux du diabète que constituent les problèmes de « pied diabétique ».

Grâce à cette bourse, nous pouvons poursuivre notre collaboration et le projet s’ancre un peu plus dans la réalité sénégalaise.
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Dès lors, dans la continuité de ce projet, et grâce à l’octroi d’une bourse de mobilité du programme de coopération au développement de l’ARES, deux cadres-infirmiers, et enseignants en Soins infirmiers de l’ENDSS, ont été accueillis à la HE Vinci, par le département Podologie, afin d’y effectuer un « stage de renforcement de capacités ».

En effet, ce programme de l’ARES, qui a pour objectif de renforcer le partenariat entre établissements partenaires, doit également permettre le renforcement réciproque des capacités des institutions, à travers l’enseignement et la recherche, et, ce, grâce au financement de bourses individuelles.

C’est dans ce cadre, que MICHEL TOURE et BOCAR DIALLO sont arrivés à Bruxelles, le 7 novembre 2022, pour un stage intensif de 45 jours !

Michel évoque, d’emblée, l’enjeu majeur de leur présence en Belgique : « Notre objectif est double ! Il s’agit à la fois de continuer à acquérir des connaissances et des compétences par rapport à la prévention et à la prise en charge du « pied diabétique », mais aussi d’appréhender l’organisation de la formation en podologie à la HE Vinci et en Belgique, ainsi que les aspects du métier de podologue. C’est crucial, car nous pressentons qu’il faut mettre en place un programme de formation en podologie, adapté à la réalité sénégalaise, pour participer au renforcement du contrôle du diabète au Sénégal. C’est un grand défi pour notre pays d’enrayer la progression rapide de cette pathologie. Des efforts sont entrepris pour améliorer la prévention, le soin et le traitement, comme l’implantation de ce module de formation dans notre école d’infirmière (ENDSS) à Dakar. Mais la riposte doit être plus large et impliquer d’autres professionnels, comme les podologues.

Former du personnel de 1ère ligne est indispensable pour la prévention. Ce type de séjour est vraiment une opportunité pour développer l’apport d’expertise dans ce domaine et imaginer des solutions en lien avec notre réalité.
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Il précise qu’il est aussi indispensable d’impliquer les individus, qui jouent un rôle préventif crucial en adoptant des pratiques plus saines : « La population sénégalaise consomme trop de sucre, dans les préparations culinaires, spécifiquement celles à base de lait, et dans les boissons fruitées. La consommation de riz importé est aussi un problème : il est beaucoup plus riche en amidon que le riz local mais il est préféré car il est plus facile à cuire et plus appétissant. A cela se joignent les problèmes de sédentarité, surtout dans les villes … ». Et d’ajouter que les professionnels de 1ère ligne sont les plus à même d’élaborer des programmes d’éducation à la santé pour les populations.

Concrètement, et de manière particulièrement originale, le séjour s’est co-construit. Le programme d’activités a été élaboré, lors de leur arrivée à Bruxelles, à partir de leurs attentes et besoins, et des propositions formulées par le département Podologie de la HE Vinci. Résultat : un grand nombre de cours spécifiques auxquels ils ont pu assister (analyse de la marche, labo « semelles », soins des pieds, création d’orthèses, etc.), des stages en maisons médicales (L’Aster, Médecine pour le Peuple, Centre de santé du Miroir), des visites en milieu hospitalier (Centre de diabétologie et Clinique du pied diabétique de UCL-Saint Luc), et, bien entendu, une visite –rencontre à l’Arteveldehogeschool Gent et à la clinique du pied diabétique de Sint-Lucas.

Forts de tous ces enseignements et observations, et armés du compte-rendu de leur mission, ils comptent bien formuler des recommandations très convaincantes en vue de l’instauration d’une formation en podologie au Sénégal, dont le format n’est cependant pas encore identifié, et influencer la prise de décision des autorités académiques et ministérielles en ce sens.

Ce déplacement fut une expérience humaine très riche nous indique Bocar, qui se dit aussi particulièrement surpris par le froid et l’humidité de notre pays. Et si l’aspect professionnel y prend toute son importance, selon lui, il ne faut pas négliger la partie récréative : « L’Atomium, la Grand-Place, Manneken-Pis, le quartier Matongé, … On a tout vu ! Vous êtes un peuple chaleureux et réservé à la fois, que nous avons eu grand plaisir à rencontrer. Je voudrais particulièrement remercier les personnes qui nous ont formidablement entourés ici en Belgique, et ont facilité notre séjour. »

Nous sommes totalement satisfaits de notre séjour. A notre retour, nous allons pouvoir rencontrer les responsables et proposer un programme adapté, pour que des professionnels nouveaux acquièrent de vraies compétences en podologie.
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Tous les deux soulignent leur parfaite intégration auprès des étudiants pendant les activités d’apprentissage : « Il n’y avait pas de barrière entre eux et nous, une place nous a vraiment été laissée. ». Ils attribuent cela à la relation entre enseignants et étudiants et à l’ambiance qui règne dans les classes : « Chez vous, les étudiants sont plus libres, ils peuvent s’exprimer, échanger. Il y a de l’interaction. En Afrique, c’est plus cadré. Mais cela nous donne des idées … On va changer cela, par petites touches bien sûr ! »

Et Mathilde van den Berg, cheffe du département Podologie de la Haute Ecole de conclure : « Ce type d’expérience est effectivement un enrichissement mutuel. Cela nourrit. J’encourage les collègues des autres départements à organiser ce type de mobilité. »

La mobilité de Mrs Diallo et Touré a été rendue possible grâce au soutien financier de l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Belgique, dans le cadre de sa politique de Coopération au développement.