Alumni du bout du monde : Sandra Dutordoit
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- Infirmière spécialisée en soins péri-opératoires
V MAG - Bonjour Sandra, peux-tu te présenter en quelques mots ? Quelle formation as-tu suivie à Vinci ?
Bonjour ! Je suis Sandra Dutordoit. J'ai 36 ans, je vis en Guyane et je suis maman d’un petit Nathan de 2 ans. Je travaille au bloc opératoire du Centre Hospitalier de Cayenne, en Guyane française.
J'ai effectué tout mon cursus à Vinci : j'ai obtenu mon diplôme d’infirmière en 2008 et ai ensuite enchaîné avec une Spécialisation en Soins périopératoires (à l’époque, cela s’appelait Spécialisation « en Salle d’opération » ) dont j'ai été diplômée en 2009.
V MAG - Qu’est-ce que la Spécialisation en Soins périopératoires t'a apporté ?
Beaucoup !
Au niveau professionnel, elle m'a permis de m'immerger dans le milieu très particulier du bloc opératoire, auquel nous ne sommes quasiment pas confrontés durant nos études de soins infirmiers. J'ai pu y prendre mes marques en sécurité, en étant encadrée. Quand on est étudiante, on a le droit de poser 1000 questions, de faire des erreurs et de ne pas être parfaite. J'ai donc pu forger ma pratique, ma gestuelle, en toute tranquillité.
La spécialisation m'a aussi permis d'emmagasiner énormément de savoir, de théorie. Tout ce que j'ai appris me sert maintenant et me permet de comprendre ce que je fais, de donner un sens à chacun des gestes de toute l’équipe dans une salle d’opération. Ce bagage, c'est un trésor.
Au niveau personnel, j'ai pris beaucoup d’assurance. J'ai confiance en moi et en ma pratique. Et la spécialisation m'a ouvert les portes d’un bloc opératoire à l'autre bout du monde.
V MAG - As-tu une anecdote ou un souvenir marquant de ta spécialisation à nous partager ?
Durant mon stage de chirurgie cardiaque et thoracique, il y avait un chirurgien qui opérait des cœurs en écoutant du heavy-métal, à fond, dans la salle. Il avait besoin de ça pour se sentir bien et opérer sereinement et efficacement. Pour le reste de l'équipe, c’était plus compliqué, mais ils étaient habitués.
Quant à moi, j’étais complètement abasourdie ! Je regardais ce chirurgien hocher la tête en rythme et chanter alors même qu'il avait un cœur entre les mains. J'ai dû faire appel à beaucoup de ressources ce jour-là, pour rester concentrée et instrumenter correctement ! Mais on s'adapte et le bruit finit par devenir accessoire.
Encore aujourd’hui, 13 ans plus tard, lorsque j’entends du heavy-metal avec du chant guttural, je pense à lui, à cette intervention et à ce stage !
V MAG - Pourquoi t’es-tu installée en Guyane française ? Comment t'es-tu adaptée ?
A la fin de nos études d’infirmières, avec quelques amies, nous avons décidé de faire chacune une spécialisation puis de partir un petit moment dans un département d'outre-mer. Les Antilles nous faisaient rêver mais on nous a conseillé la Guyane, parce que c’était plus facile d'y trouver un travail toutes au même endroit. Nous avons accepté, certaines pour un an, d’autres pour 6 mois.
Peu téméraire, j'avais signé un contrat de 6 mois. 12 ans plus tard, j'y suis toujours ! Je suis la dernière du petit groupe. Je me suis bien adaptée, même à la chaleur et aux moustiques. Je parle même un peu créole !
Il y a en Guyane une qualité de vie difficilement trouvable ailleurs. On sort du travail, on se sent en vacances. Il y a la mer, (pas bleue, plutôt marron, mais la mer quand même) les cocotiers, le soleil une bonne partie de l'année, et la forêt Amazonienne. Un contact privilégié avec la nature dans ce qu’elle a de plus authentique et spectaculaire. Et une diversité ethnique unique au monde. Ici, il y a des Afro-descendants, des Chinois, des Laotiens, des Surinamais, des Guyaniens, des Brésiliens, des Amérindiens, des gens de France métropolitaine. Cela demande beaucoup d'humilité et d’adaptation. Mais quelle richesse !
V MAG - Que fais-tu exactement là-bas ? Dans quel bloc opératoire et dans quelles disciplines chirurgicales travailles-tu ?
Je travaille au bloc opératoire du Centre hospitalier de référence, à Cayenne (il n'y a que 3 hôpitaux en Guyane).
La Guyane est le département le plus criminel de France (nous sommes en France, mais en Amérique du Sud). Les routes sont très accidentogènes. Nous avons donc énormément de traumatologie grave (coups de feu ou de couteau, accidentés de la route).
C’est également un des départements français où il y a le plus de naissances. Rien qu’à l’hôpital de Cayenne, il y a plus de 5000 naissances par an. Donc beaucoup de césariennes aussi.
V MAG - Est-ce que ton expérience professionnelle aurait été différente si tu étais restée ici en Belgique ?
Très probablement !
J'avais pour projet, après mes 6 mois de Guyane, de revenir travailler au Cliniques Universitaires Saint-Luc ou de devenir instrumentiste privée, soit en chirurgie orthopédique, soit en chirurgie viscérale. Je me serais établie à Bruxelles. J'aurais eu une vie professionnelle très intéressante, mais sectorisée, parce que c’est comme cela que fonctionnent le bloc opératoire de Saint-Luc et l’instrumentation privée.
Ici, je travaille dans toutes les disciplines et j'ai un bagage énorme en traumatologie et en urgences vitales. C’est presque diamétralement opposé !
V MAG - As-tu un conseil à donner aux étudiants et futurs diplômés ?
Ne négligez pas le bagage théorique. Il va vous servir, promis juré !
Et s’il y a un projet qui vous trotte dans la tête, allez-y, donnez-vous les moyens de le mener à bien ! Nous avons la chance de pouvoir travailler dans beaucoup de domaines et dans beaucoup d'endroits. Il ne faut rien regretter et foncer et faire ce que l’on veut de sa carrière !
V MAG - As-tu un coup de cœur lié à la Guyane française à partager ?
La nourriture est multiculturelle et délicieuse ! La soupe hmong du marché de Cacao est sans doute ce que je préfère. Et les parépous (les graines d'un palmier cuites qui ont un peu la consistance des châtaignes). Et les fruits, bien sûr. Ananas, mangues, fruits de la passion etc.
Ce qui est génial ici, c’est la nature et la proximité avec les animaux. Coup de cœur pour les paresseux et les tortues luth qui viennent pondre au bout de ma rue, sur la plage des Salines.