Carte d’identité
Age : 43 ans
A la HE Vinci : Diplôme de Bachelier Infirmier en soins généraux en 2002 et de Spécialisation en Santé communautaire en 2003
Profession actuelle : Co-fondatrice et administratrice déléguée de l’ ASBL “Infirmiers de rue”, depuis 2005.
Avez-vous une devise ? Le courage, c’est d’essayer !
Votre vertu préférée ? La justice
Ce que vous admirez chez quelqu’un ? J'admire les forces et les talents de chacun et je suis épatée au quotidien par les gens.
Ce que vous détestez, par-dessus tout ? L’hypocrisie et les non-dits
Ce qui vous rend le plus heureuse ? Se sentir unis dans la difficulté et se sentir encore plus forts, tous ensemble, après l'avoir surmontée. Plus simplement, des câlins et un tour de vélo en famille
Quelque chose d’insoupçonné vous concernant ? J’ai appris à jouer du hulusi. Il s’agit d’une cornemuse chinoise
Un loisir particulier ? J’adore pratiquer les sports nautiques (kitesurf, aviron, canoé, etc.)
Bonjour Emilie, devenir infirmière a été, à un moment donné, une évidence pour vous. Racontez-nous cela !
Mes parents sont tous les deux médecins, et, jeune, j’avais déjà une idée de ce qu’était le monde médical, les hôpitaux, etc. J’aimais accompagner mon père lors de ses gardes et faire le tour des malades avec lui. A ce moment-là, je ne savais pas très bien ce qu’était une infirmière. J’aspirais surtout à partir en Afrique pour “aider” les gens. J’hésitais entre le métier d’assistante sociale et celui d’institutrice avec, toujours, l’objectif de partir à l’étranger.
Et puis, un jour, au cours de l’année passée en Australie après ma rhéto, je me suis réveillée en me disant : “Mais non...En fait, je dois être infirmière ! ”. C’est devenu évident.
A partir du moment où je me suis dit cela, tout a coulé de source. J’ai adoré mes études et tous mes stages, autant à l’hôpital qu’en extra-hospitalier. Je n’ai pas choisi de travailler dans le social, car je n’aimais pas l’hôpital, j’aimais aussi vraiment le contact avec les patients à l’hôpital.
Cela nous amène à la question suivante. Justement, que retenez-vous de vos études et que vous ont-elles apporté sur le plan personnel ?
Je citerais en premier lieu, les rencontres et les amitiés qui se sont formées.
Je me souviens parfaitement de ma première journée de cours. C’était avec une infirmière- enseignante, Madame Colette Lejeune, qui a posé la question suivante à la classe : « Pourquoi avez-vous choisi ces études et qui d’entre vous a envie de partir à l’étranger ? ». On était plusieurs à avoir levé la main et j’ai trouvé des personnes qui avaient les mêmes aspirations que moi et partageaient les mêmes idéaux. C’était enthousiasmant et cela m’a portée pendant mes études. C’est d’ailleurs avec l’une d’entres elles, Sara Janssens, que je suis partie au Burkina Faso et avec qui j’ai créé l’ASBL « Infirmiers de rue ».
Ensuite, ce qui a compté, c’est la relation de réelle proximité avec les patients et l’aide qu’on peut leur apporter, dans des moments où ils sont plus fragiles et plus dépendants, tout en respectant leur intimité et ce qu’ils sont. C’est vraiment ce qui m’a semblé très important, tout au long du cursus.
Vous êtes aussi infirmière spécialisée en Santé communautaire. Pourquoi avoir choisi cette spécialisation ?
Mon cheminement a été un peu particulier.
Pendant le bachelier, dans le cadre de la réalisation de mon travail de fin d’études, dont le thème concernait la sensibilisation à l’hygiène et aux soins de plaies, j’ai travaillé à Imasgo, au Burkina Faso. Je n’étais pas très en forme au retour, car je désirais rester là-bas et j’étais aussi confrontée à un sentiment de « vide » après avoir réalisé le projet qui m’avait tenu à cœur depuis mon enfance. Mais il fallait bien, si je voulais être vraiment active, clôturer mes études et obtenir mon diplôme.
J’étais déjà bénévole dans l’ASBL “La Fontaine” à Bruxelles, qui est un centre d'accueil sanitaire et de soins de jour pour personnes sans domicile fixe. L’équipe et les bénévoles y réalisent un travail exceptionnel et je me suis mise à y aller de plus en plus souvent. Les personnes sans-abri m’apportaient quelque chose qui me manquait et aussi un grand sentiment d’utilité. C’est ce qui m’a donné le déclic pour effectuer la spécialisation en Santé communautaire.
Les stages que j’ai effectués pendant la spécialisation m’ont permis de mieux cerner ce qui m’attirait vraiment. J'ai pu découvrir d’autres publics de la rue et, entre autres, le milieu de la prostitution, au centre “L’Espace P…” qui accueille, vient en aide et soutient les travailleurs du sexe.
C’est à l’Espace P que débute votre parcours professionnel, d’ailleurs...
Exactement ! J’ai beaucoup apprécié cette expérience. Cela m’a permis de me rendre compte, qu’alors que je ne croyais pas avoir beaucoup d’aprioris, en fait, j’en avais plein ! Ce contrat de remplacement m’a ouvert l’esprit à fond, sur plein de choses. J’ai fait des rencontres inoubliables et je reste très reconnaissante envers toute l’équipe et toutes ces femmes qui m’ont accueillie. Cette expérience m’a aussi confirmé que j’étais plus à ma place auprès des personnes sans-abri.
Pourtant, cela mettra encore un peu de temps pour se concrétiser...
Après une année “tampon” au Burkina Faso et en Guyane française, vous créez un poste d’infirmière dans l’association “Dune”, un service ambulatoire actif en toxicomanie, et vous suivez une formation en médecine tropicale. Ensuite, en 2005, c’est le déclic et une prise de décision : avec Sara Janssens, une amie infirmière, également diplômée de la HE Vinci, vous démarrez une étude sur le terrain en vue de fonder une ASBL destinée à aller à la rencontre des sans-abris et à favoriser leur réinsertion...
Oui, c’est tout à fait cela !
L’étude de terrain a duré un an. Les statuts de l’ASBL “Infirmiers de rue” ont ensuite été déposés et l’activité sur le terrain a pu commencer.
Depuis, l’ASBL s’est développée, l’équipe a grandi et la méthodologie s’est affinée. Elle est basée sur l’hygiène et la santé, et permet d’aller à la rencontre des personnes sans-abris, de gagner leur confiance, de les écouter activement et de les conseiller en vue de leur réinsertion sociale. C’est une démarche qui favorise l’estime de soi, condition primordiale pour une sortie à long terme de la rue. C'est vraiment le point de départ des objectifs de l’association.
Au début, vous êtes beaucoup sur le terrain, sac au dos dans Bruxelles, vous donnez des formations, vous rédigez des manuels, et au fil du temps, votre fonction évolue. Que faites-vous maintenant ?
Actuellement, depuis 2015, nous sommes en gouvernance collaborative. J’assume à la fois la fonction d’administratrice-déléguée et le rôle de responsable “Identité et développement”.
Le terrain vous manque ?
Pas tellement en fait. À partir du moment où j’ai conscience que j’ai plus d’impact à un autre niveau, cela donne du sens à mon action. Si pour arriver à aider davantage de personnes sans-abri, je dois avoir un rôle ailleurs, alors c’est ça que je dois faire !
Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Je me dis que j'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai eu plein de gens, vraiment super, qui m'ont entourée et qui m’ont aidée à construire l'association et à en faire ce qu’elle est aujourd'hui.
Cela n’a pas toujours été facile, il y a eu des moments parfois très durs, mais maintenant, on peut être fiers et se dire qu’on est capables de traverser des moments comme ceux-là.
En vrai, si on s’était dit qu’une infirmière ne peut pas aller en rue, que ce n’est pas forcément sa place, on n'aurait jamais rien tenté. Et on n’y serait pas arrivé !
Quel conseil donneriez-vous à un ou une future étudiante en Soins infirmiers ?
S'écouter !
Être créatif aussi. Mais, en même temps, ne pas vouloir tout juger ou tout changer tout de suite (par exemple, quand on arrive en stage ou dans un nouveau job) mais plutôt essayer de comprendre pourquoi cela fonctionne comme cela et ce qui peut être testé comme nouveauté ou changement.
Un dernier mot sur la profession, de manière générale ?
Infirmier ou infirmière, c’est un métier tellement génial !
C’est une chance de pouvoir prendre soin de l'autre, d'être dans la relation à l'autre et de se dire qu'on est là juste pour faire du bien à quelqu'un. C’est très valorisant.
Quand ça fait du bien à l'autre, ça fait du bien à soi. C’est important aussi.