Ingrid Bertrand

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Didacticienne dans le département AESI Langues Germaniques.
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Publié le par Alba V.

Férue de littérature et d’enseignement, Ingrid Bertrand mélange habilement ses deux passions dans la formation des futurs enseignants en langues. Dans ses cours, le traditionnel rencontre le numérique avec le kamishibaï, technique de théâtre ambulant japonais et les Escape Games.

Carte d'identité

  • Rôle à la HE Vinci Didacticienne dans le département AESI Langues Germaniques.
  • En dehors de la Haute Ecole Chargée de cours invitée en littérature anglaise à l’Université Saint-Louis – Bruxelles
  • Actualité du moment Je travaille sur un article dans lequel je partagerai mon expérience de création d’un escape game pédagogique multilingue (français, anglais, néerlandais et allemand) à destination d’élèves de rhéto, réalisé dans le cadre d’une semaine des langues germaniques à l’Université Saint-Louis.
  • Coup de cœur du moment The Animals in That Country, un roman dystopique de 2020 par Laura Jean McKay, dans lequel un mystérieux virus permet aux humains infectés de communiquer avec les animaux. C’est un livre à la fois drôle et déstabilisant, qui pousse le lecteur à remettre en question sa conception du langage et des frontières supposées entre l’humain et l’animal.
  • Rêve d'enfance Devenir prof (désolée, cela n’a rien d’original !) et apprendre à jouer de la harpe (ça, par contre, je dois encore m’y atteler)

Bonjour Ingrid, peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours ? Comment es-tu arrivée à la Haute Ecole ?

Bonjour, j’ai tout d'abord étudié l’anglais et l’allemand à l’UCL où j’ai directement enchaîné sur une thèse en littérature anglaise. C’est de cette manière, en devenant assistante durant ma thèse, que j’ai accédé au monde de l’enseignement dans le supérieur.

Par la suite, j’ai très vite été intéressée par les hautes écoles pour la place qu’il y est laissé à la réflexion sur les manières d’enseigner. À la Haute École, on réfléchit à la façon dont on va enseigner les langues, à comment on va nourrir la curiosité des étudiants et des élèves qu’ils auront plus tard.

Les cours donnés à la HE Vinci correspondent vraiment à ce que je recherchais, en complément des cours de littérature anglaise que je donne toujours à l’Université Saint-Louis. Pour résumer, la littérature et les langues m’ont toujours passionnée, et c’est un réel plaisir de transmettre aux étudiants les aspects tant linguistiques que culturels liés à ces passions

Il y a un tel dynamisme dans le monde de l’enseignement, notamment des langues, que ce soit depuis l'enseignement préscolaire jusqu’aux études supérieures.
Ingrid B.

En tant qu’enseignante pour de futurs enseignants, quel regard portes-tu sur le métier ?

Actuellement, je trouve qu’il y a encore beaucoup de stéréotypes, surtout par rapport à l’enseignement des langues, au sujet duquel on entend encore pas mal de clichés négatifs qui ne correspondent pas à la réalité d’aujourd’hui. Il y a un tel dynamisme dans le monde de l’enseignement, notamment des langues, que ce soit depuis l'enseignement préscolaire jusqu’aux études supérieures. Malheureusement, ce ne sont pas les aspects que le public a tendance à voir et à retenir. C’est mon cheval de bataille de travailler à changer cette vision sur l’enseignement et surtout sur le métier de l’enseignant car cela peut impacter les choix de carrière des jeunes et moins jeunes.

A partir de septembre 2023, les études pour devenir enseignant se dérouleront sur 4 ans dans un partenariat entre hautes écoles et universités ? Que peux-tu nous dire à propos cette nouvelle réforme ?

Au niveau du programme, c'est une évolution qui a été réfléchie en amont dans les départements pédagogiques. En ce qui concerne les stages, par exemple, il y a l’envie d’installer une meilleure progressivité ainsi que de repenser l’accompagnement des étudiants pour qu'ils aient moins l’impression d’être "jetés dans le grand bain". Il y a également l’aspect de l’enseignant-chercheur. La recherche prendra plus de place dans leur formation afin de développer leur regard critique face aux ressources, de les habituer à participer à des groupes de partages d’expériences, etc.

C’est l’un des défis dans la communication menée vers les futurs étudiants, de montrer la plus-value de la réforme, car il y en a réellement une.

Tu formes tes étudiants à la pratique du Kamishibaï, une sorte de théâtre ambulant né au Japon. Peux-tu nous raconter l’histoire de ce genre narratif ?

Le kamishibaï est effectivement originaire du Japon. Cette technique a connu son apogée entre 1920 et 1950. Il s’agissait à l'époque d'un conteur itinérant qui se déplaçait à vélo avec un petit castelet et s'installait dans la rue pour raconter une histoire aux enfants.

Aujourd'hui, cette technique est de plus en plus utilisée dans l'enseignement parce qu'elle comporte cet aspect théâtral justement. En effet, le conteur ou la conteuse fait en sorte que le castelet soit bien mis en évidence, de telle sorte que les enfants peuvent s'installer par terre, sur des coussins ou même sur leurs chaises en rond, comme un public au théâtre.

L’histoire est constituée de planches qui sont glissées au fur et à mesure pour raconter l’histoire. Ce qui est intéressant pour le conteur, c'est que le texte qui correspond à l'image visible par le public se trouve à l'arrière de la feuille précédente. Le public ne voit, pour sa part, qu'une illustration très simple, mais le conteur ou la conteuse dispose de ce texte qui reste en support. Bien sûr, l'idée est de conter l'histoire et non de la lire !

exemple de butaï créés par des étudiants
exemples de butaï (castelet) créés par des étudiantes et étudiants

Quels sont les intérêts du kamishibaï pour les élèves ?

Raconter une histoire, c'est universel. Les élèves sont donc très vite investis dans le conte. Ils écoutent la voix du conteur ou de la conteuse et se focalisent sur une seule image en grand format et très épurée. Un autre avantage réside dans l’interaction que permet le kamishibaï : le conteur ou la conteuse peut facilement poser des questions sur l’histoire, demander aux apprenants d'anticiper la suite, en ne dévoilant qu'une partie de l'image par exemple, etc. Les enfants peuvent également beaucoup plus facilement aller pointer un élément sur l’illustration. Sans s’en rendre compte, ils apprennent des mots, des structures grammaticales, ou encore des intonations de la langue étrangère.

Le kamishibaï instaure un rythme plus lent, qui change énormément de celui que connaissent actuellement les enfants avec la télévision, les smartphones, etc.

Personnellement, cette technique me plaît particulièrement, car elle permet d’amener des histoires dans les cours de langue tout en travaillant de nombreux aspects linguistiques et culturels.

Sans s’en rendre compte, ils apprennent des mots, des structures grammaticales, ou encore des intonations de la langue étrangère.
Ingrid B.

Est-ce que la technique du kamishibaï peut être utilisée sur un public plus large ?

Généralement, en tout cas dans l'enseignement obligatoire, le kamishibaï est plutôt utilisé dans le primaire (les diplômés en AESI langues germanique peuvent donner cours dans le secondaire inférieur et en primaire en tant que maîtres spéciaux). Il convient aussi parfaitement à l'éveil aux langues, car on peut par exemple partir d'un album connu des élèves dans leur langue maternelle, et le travailler dans une langue étrangère.

Il peut également fonctionner avec des apprenants plus âgés, en utilisant une BD, par exemple, que l'on va retravailler au format kamishibaï avec les élèves, pour leur permettre dans un second temps de raconter eux-mêmes l’histoire en langue étrangère.

Cette technique permet une très grande créativité. Elle peut également fonctionner sur des tranches d'âge plus hautes en utilisant une BD, par exemple, qu'on va retravailler pour que les dessins soient moins enfantins. Il y a vraiment énormément de possibilités.

A côté de cela, tu apprends aussi à tes étudiants à utiliser l’Escape Game dans leurs futurs cours ?

Alors, l'escape game, c'est venu du fait que j'adore en apprendre toujours plus sur les technologies et utiliser certains outils en classe, tels que Wooclap ou Genial.ly, par exemple.

Pour en revenir aux escape games, ceux-ci sont de plus en plus utilisés en cours ; je le vois bien dans les groupes d’échanges entre enseignants.

À nouveau, il y a plein de possibilités, de l’escape game “classique,” sans composante numérique, à une version qui implique l’utilisation de tablettes ou de tableaux interactifs. La particularité, dans le cas d’un escape game en contexte scolaire, est de construire l’activité avec un réel objectif pédagogique.

C'est vraiment cela l'attrait des escape game : les étudiants et leurs futurs élèves apprennent en jouant !
Ingrid B.

Concrètement, on peut imaginer, par exemple, de créer un escape game pour les dernières heures de cours avant les vacances, où l'on va brasser de façon ludique tous les champs thématiques vus les semaines précédentes. C'est vraiment cela l'attrait des escape game : les étudiants et leurs futurs élèves apprennent et révisent en jouant.

Il y a aussi tout un travail de scénarisation. Habituellement, l’enseignant apprend à donner des instructions très claires. A l'inverse, avec les escape games, le but est d'en donner le moins possible et de les rendre énigmatiques.

En tout cas, les étudiants qui vont bientôt partir en stage sont très enthousiastes à l'idée de tester leur création avec les élèves !