Kevin Deschamps et Benjamin Hidalgo
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- Podologue et kinésithérapeute - formateurs
Kevin, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je possède un background en podologie. J’ai fait mon bachelier à Gand, suivi d’un Master à Brighton et j’ai terminé par une thèse de doctorat à la KUL, dans le secteur biomédical. J’ai un intérêt plus particulier pour la biomécanique du pied et du membre inférieur (ndlr : ensemble des structures anatomiques situées en dessous du bassin, incluant la hanche, la cuisse, le genou, la jambe, la cheville et le pied).
Ce parcours très varié t'a certainement ouvert des perspectives par rapport à la podologie ?
Effectivement, et j'ai toujours combiné cela avec de la clinique, afin de percevoir le ressenti et le vécu des patients. Très vite, je suis venu enseigner en podologie à la HE Vinci, car j’apprécie aussi énormément l’aspect pédagogique.
Qu’est-ce qui t’a conduit à la podologie, plutôt qu’à un autre métier du médical ou du paramédical ?
Initialement, je pensais devenir kinésithérapeute. Mais en sortant du secondaire en 1998, en Flandre, où je vivais, on commençait de plus en plus à parler de numerus clausus. Ça nous a bien effrayé (surtout mes parents) ! Sans ce numerus clausus, je pense que j’aurais terminé kiné. A ce moment-là, en me rendant à une bourse d’étudiants, j’ai découvert une jeune profession, la podologie… Et c’est la voie que j’ai suivie.
Les hasards des rencontres font prendre des chemins parfois inattendus. Et finalement, tu es allé jusqu’au Master, à la thèse, ça t’a ouvert de nombreuses portes !
Effectivement. D’autant plus que j’ai toujours été attiré par la relation thérapeutique. J’ai rapidement réalisé au cours de mes études que ce métier me passionnait réellement, en particulier le domaine musculosquelettique. Aujourd'hui, l'approche est de plus en plus centrée sur le patient, en mettant l'accent sur la valeur ajoutée que nous pouvons apporter à la société.
Et toi, Benjamin ?
Quand je suis sorti de rhéto, je voulais devenir psychiatre, mais je me suis rendu compte que c’était 12 ans d’études, ce qui faisait quand même beaucoup !
J’ai donc regardé ce qu’il y avait d’autre, et comme j’aimais le sport, j’ai choisi l’éducation physique, à l’UCL. La cohésion d’équipe, le sport, la physiologie, l'anatomie, la biomécanique... J’ai adoré cela. Après mes études, j'ai choisi la kinésithérapie et j’ai pu allier mes connaissances en éducation physique, notamment sur le schéma corporel, le sport et la prévention, à un travail direct en thérapie auprès des patients.
Cependant, je trouvais que je n’étais pas encore au point avec les techniques manuelles. Tout en travaillant à plein temps comme kinésithérapeute en cabinet, j’ai suivi un cursus d’ostéopathie pendant 5 ans. Un jour, j’ai croisé un de mes anciens profs qui m’a proposé de faire de la recherche en thérapie manuelle… J’ai accepté et j’ai choisi de combiner ma pratique clinique à une thèse de doctorat, qui portait sur l’apport de la thérapie manuelle orthopédique sur la lombalgie.
Plus je lisais, plus je me rendais compte qu'il y avait des différences entre la thérapie manuelle et l’ostéopathie... J’ai donc suivi le certificat australien de la Curtin University, ce qui m’a permis de voir les convergences et les divergences entre les deux techniques.
Par la suite, avec mon collègue Laurent Pitance, nous avons ouvert le certificat en TMO (Thérapie Manuelle Orthopédique) à l’UCL. Aujourd'hui, je donne cours à la HE Vinci, en plus d’être chef du département kinésithérapie. J’interviens en formation continue et je conserve également une activité clinique.
Parlons maintenant de votre formation : comment vous est venue l'idée de la proposer en duo ?
Kevin
C’est fortement lié à toutes les discussions que nous avons eues ensemble. Benjamin avait déjà publié plusieurs études sur la cheville, et nous avions observé un manque dans les cursus et les formations continues. Aujourd’hui, la situation a évolué et on constate des formations plus axées sur le pied et la rééducation du pied. Pour autant, ce domaine relativement méconnu et peu enseigné.
Benjamin
Nous avions aussi écrit un article avec d’autres experts, dans lequel nous avions essayé de trouver un consensus sur le bilan au niveau du pied et de la cheville.
Pour en revenir à ma pratique clinique, je m’interrogeais souvent sur l’indication d'avoir des semelles de podologie par rapport à des troubles musculosquelettiques. Quand référer à un podologue ? Quels indicateurs utiliser ? Toutes ces discussions ont mené à la création de cette formation.
Comment préparez-vous en amont l’enchaînement et l’intégration des cours pour assurer leur cohérence tout en valorisant leurs spécificités ?
Kevin
Les deux premières années de la formation nous ont permis de clarifier notre cadre et d’orienter nos discussions. Aujourd’hui, la majorité des participants sont des kinés. Nous veillons à illustrer nos propos avec des exemples concrets, des cas cliniques et des situations où nos deux disciplines peuvent se compléter efficacement.
Benjamin
L’année dernière, nous avons eu des orthésistes (ndlr : L'orthésiste est le professionnel qui conçoit et fabrique des dispositifs orthopédiques) qui sont venus suivre le cours, car leur profession leur impose de suivre des formations continues pour des raisons de qualité. Peut-être que nous en aurons encore cette année : ce serait riche car cette 3e profession avait amené encore plus de plus-value à la formation.
Finalement, vous amenez un point de vue encore plus large dans la prise en charge.
Benjamin
Tout à fait. Par exemple, quelle est la différence entre les semelles faites par des orthésistes et celles des podologues ? Si on y réfléchit, on pourrait même se dire que la formation pourrait être étoffée d’une 3e journée, avec des ateliers pratiques hands off, la fabrication de semelles, des cas cliniques avec un patient… à voir pour les années à venir !
C’est donc une formation qui, comme vous le disiez, s'adresse autant aux kinésithérapeutes qu'aux podologues…
Benjamin
Effectivement. Nous avons énormément de discussions intéressantes. Il n’y a pas de réponse unique à nos questions.
J’ai l’impression que les kinés cherchent à mieux connaître le métier de podologue, son raisonnement, sa culture. Quels outils utilisent-ils ? Quels indicateurs ? De l’autre côté, les podologues sont intéressés par les bilans et les traitements arthrocinématiques (ndlr : techniques utilisées en kinésithérapie pour améliorer le mouvement des articulations), afin de pouvoir faire des semelles avec moins de restrictions.
Kevin
La plupart du temps, nous utilisons des éléments extrinsèques. Nous allons jouer sur la chaussure et sur des semelles fixées sur le corps du patient. C’est ainsi que se crée la complémentarité avec la pratique du kiné.