Bonjour Massimo, comment avez-vous découvert le monde de la surdité ? Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Mon premier contact avec la surdité remonte à mon premier emploi dans un centre de jour pour enfants sourds. Je me souviens encore de mon jour d’essai : j’avais l’impression de plonger dans un univers complètement nouveau, avec sa propre langue, sa culture et une richesse insoupçonnée. J’ai tout de suite été captivé.
Avant cette expérience, la surdité m’était familière uniquement de façon très théorique, évoquée brièvement dans mes études. Mais sur le terrain, tout a pris une autre dimension. La langue des signes m’a fasciné dès le départ. En tant que psychomotricien, travailler avec une langue où le corps est au cœur de la communication a été un vrai plaisir. Cela m’a permis de mobiliser mes compétences d’une manière unique, pour m’adapter à cette communication riche et exigeante.
L’un des plus grands défis de ce travail était lié aux troubles associés des enfants. Ces troubles compliquaient souvent la communication, mais ils devenaient aussi des leviers importants dans la relation thérapeutique. Cela m’a demandé beaucoup de créativité pour adapter mes outils et trouver des solutions adaptées à chaque situation.
Quels seront les thèmes principaux de la formation Surdité et troubles associés, corps et communication qui aura lieu en février 2025 ?
La formation se déroulera en deux parties, car nous pensons qu’il est essentiel d’aborder cette thématique sous plusieurs angles. Avec Hanane Bouazza, logopède, nous proposons deux approches complémentaires adaptées aux spécificités de la surdité et des troubles associés.
Hanane traitera des bases de la surdité : les différents types, une initiation à la culture sourde et à la langue des signes, ainsi qu’à la communication avec un public sourd présentant des troubles associés. De mon côté, je me concentrerai sur la communication non verbale et infraverbale. Nous explorerons la place du corps, du mouvement et de l’environnement dans l’interaction avec ces bénéficiaires.
A qui s’adresse cette formation ? Y a-t-il des prérequis à avoir ?
Cette formation est destinée aux professionnels travaillant avec des bénéficiaires sourds ayant des troubles associés. Attention, nous n’abordons pas la surdité dans sa globalité, car ce n’est pas notre domaine d’expertise.
Cependant, notre expérience nous a permis de développer des approches spécifiques pour accompagner des bénéficiaires sourds ayant des troubles associés. Par exemple, un enfant autiste et sourd n’est pas simplement un enfant autiste avec une surdité : il s’agit d’un “autiste-sourd”, une interaction unique qui influence profondément son développement. Cette formation vise à explorer ces interactions pour mieux comprendre et accompagner ces enfants.
Comment le regard, les vibrations et l’expressivité corporelle peuvent aider à accompagner des patients malentendants présentant des troubles associés ?
C’est précisément ici que la communication non et infraverbale joue un rôle fondamental. Lorsqu’une surdité se combine à d’autres troubles, il faut chercher de nouvelles façons d’établir la communication et la relation.
Le regard, par exemple, devient un outil clé. L’intensité et l’expressivité d’un regard prennent une importance toute particulière. De même, la théâtralité du corps amplifie le sens des interactions et suscite l’intérêt des bénéficiaires.
La vibration, quant à elle, est un véritable univers en soi. Les enfants sourds m’ont appris à explorer ce mode de perception. Même si l’oreille n’entend pas, le corps reste sensible aux vibrations : la peau, les os et l’intérieur du corps perçoivent ces signaux. Par exemple, faire vibrer le sol pour signaler sa présence ou utiliser un meuble pour attirer l’attention sont des techniques précieuses dans certaines situations. Ces outils permettent de communiquer même lorsque le regard est détourné. En somme, tout le corps et son environnement deviennent des vecteurs de communication.
Qu’entend-t-on par “culture sourde” ?
La culture sourde désigne l’ensemble des spécificités liées au monde de la surdité. Ce qui entraine une dimension transculturelle, car elle se distingue par une approche très visuelle et directe du monde, bien différente de celle des entendants.
La langue des signes, par exemple, possède sa propre grammaire et des expressions qui perdent leur sens lorsqu’elles sont traduites littéralement. La culture sourde se caractérise aussi par un humour très particulier, souvent déroutant pour les entendants au départ. Mais une fois qu’on s’immerge dans cet univers, on en découvre toute la richesse, à la fois dans ses aspects culturels et dans les revendications essentielles pour l’épanouissement des personnes sourdes dans notre société.
Et pour terminer, une question un peu plus personnelle. Dans ton travail au quotidien, quelle est la personnalité qui t’ inspire le plus ?
Sans hésiter, les enfants et les familles que j’ai rencontrés au début de ma carrière. Ils ont joué un rôle clé dans ma compréhension de la surdité et des troubles associés. D’une certaine manière, toutes ces expériences formatrices m’accompagnent encore aujourd’hui et inspirent les thématiques que je partage dans mes formations.