Maria Luz Fernandez et Patricia Calimera

Bonjour Maria-Luz et Patricia, pourriez-vous vous présenter ?

Nous avons toutes les deux fait nos études en logopédie à la Haute École Léonard de Vinci, il y a quelques décennies. Nous sommes logopèdes et rééducatrices de la pensée logico-mathématique.

Patricia : Depuis de nombreuses années, je vis en Italie où je travaille au sein d’une équipe multidisciplinaire, essentiellement avec des enfants qui ont des troubles du développement. Mon parcours professionnel est caractérisé par la recherche constante et l’approfondissement de certaines difficultés en particulier les troubles en logico-math, la dyspraxie et le domaine des fonctions exécutives.

Maria Luz : Après mes études, j’ai travaillé dans le service gériatrique d’une clinique bruxelloise. Parallèlement, je travaillais dans un cabinet où j’accueillais des patients adultes et enfants. Depuis 2000, je suis professeure de pratique professionnelle au sein de la Haute École Léonard de Vinci. Mon fils rencontrait des difficultés en mathématiques : j'ai donc cherché comment l'aider au mieux. En effet, je ne comprenais pas pourquoi « il ne comprenait pas ». C’est ainsi que ce monde passionnant que sont les mathématiques m’a permis de comprendre SA logique et de la respecter.

Comment avez-vous été amenées à collaborer ?

Nous avons fait nos études ensemble et nous sommes toujours restées en contact, liées par une profonde amitié. En 2008, nous avons rencontré Bernadette Guéritte-Hess lors d’une formation. Elle a éveillé en nous un nouvel intérêt : les logico-maths. Le partage de son enthousiasme dans ce domaine, nous a amenées à approfondir la question en diversifiant notre formation : Maria-Luz à l’ACNES et Patricia auprès du GEPALM en France. Nous avons co-participé à de nombreux séminaires tenus par Bernadette Guéritte-Hess, avant de lancer notre propre formation sur les compétences en logico-mathématique, enrichie par notre pratique professionnelle. Depuis 2011, nous proposons notre parcours de formation continue en Italie, en Espagne, en Belgique et, dernièrement, au Luxembourg.

Comment est née cette idée de formation en logico-mathématique ?

Patricia : Notre Mentor, Bernadette Guéritte-Hess, nous a transmis sa passion des séances en logico-mathématique et nous a initiées à la formation. Cette façon d’appréhender les maths et la logique permet de poser un nouveau regard sur l’argument en utilisant une nouvelle façon de les vivre, grâce à une approche « pédagogique » originale. Nous avions très envie de partager et de divulguer cette approche passionnante. Quand les activités sont proposées de manière constructive, leur acquisition se fait avec plaisir, ce qui permet à l’enfant de s’épanouir.

Maria-Luz : Nous nous inscrivons dans une démarche qui part du principe que les mathématiques ne s’enseignent pas. En effet, ces sciences s’inscrivent dans l’expérimentation de diverses situations. Nous rencontrons de nombreuses personnes (enfants, ados, adultes, …) confrontées à l’échec et, en particulier, l’échec en mathématiques. Des activités « extra-scolaires » peuvent aider au développement la « logique ».

Patricia : De plus, la rééducation dans le domaine des logico-maths est extrêmement intéressante car elle ne se limite pas à l’apprentissage des maths mais a des répercussions, entre autres, sur les compétences linguistiques. En fait, le mot « Mathématique » vient du grec manthànein qui signifie « apprendre ». Ce mot contient la racine indoeuropéenne « men » qui renvoie à « activité mentale ». Donc les mathématiques sont un instrument de pensée. Comme le langage nous permet de nous exprimer et nous faire comprendre, les maths nous aident à formuler des idées sur certains aspects et concepts du monde qui nous entoure ; le monde est fait de quantités, de grandeurs, d’ordre et de relations. La logique ajoute un maillon d’exploration supplémentaire au travers de l’argumentation ou de la démonstration, qui nous permet de considérer si les informations sont vraies ou fausses, sûres, possibles ou impossibles.

Quelles sont les difficultés qui vous sont renvoyées du terrain ?

Les notions mathématiques font peur aux adultes qui sont confrontés aux difficultés des enfants. Comment répondre à cette demande qui augmente, alors qu’ils se sentent démunis. Les collègues nous font souvent part du manque d’outils rééducatifs (ou pédagogiques) dans ce domaine.

Quels sont vos nouveaux projets de formation ?

À partir de 2025, nous proposerons un nouveau séminaire qui aura pour thème Comment aider l’enfant ou l’adolescent à se repérer dans le temps. Le temps est une notion abstraite liée aux mathématiques quand on le mesure, mais le temps est aussi lié aux vécus subjectif, affectif et émotionnel de chaque individu. Il s’agit d’un thème complexe et passionnant, le temps étant invisible et irréversible.

Nous avons préparé un séminaire afin de donner des instruments pratiques aux participants pour aider leurs patients ou étudiants à se repérer par rapport aux aspects temporels qui sont nécessaires au quotidien et qui posent problème.

Quel public est concerné par les formations que vous dispensez ?

Nos formations sont destinées aux logopèdes, psychomotriciens, psychologues, pédagogues, éducateurs, ergothérapeutes et enseignants.

Aujourd’hui, quels sont les enjeux que vous identifiez pour les professionnels ?

À une époque où tout va de plus en plus vite, où la digitalisation fait partie du quotidien et est proposée de plus en plus tôt, les étapes de l’évolution individuelle ne sont pas respectées et le développement des structures logiques de base ont du mal à s’installer. Trop souvent les activités concrètes laissent la place à leur représentation. Or, les expériences manipulatives concrètes sont fondamentales pour que certaines notions soient intériorisées. Par conséquent, nous nous trouvons de plus en plus face à des prises en charge d’enfants ou adolescents en difficulté.